Le Dolmen de La Pierre du Loup à Valuéjols

Fabien Delrieu, archéologue à la Direction Régionale des Affaires Culturelles Auvergne-Rhône-Alpes

La Planèze de Saint Flour possède actuellement la plus grande concentration de monuments mégalithiques en Auvergne. Au-delà des quelques menhirs recensés, ce sont surtout une quinzaine de dolmens qui ont été recensés sur ce haut plateau basaltique. Ces dolmens correspondent à des sépultures collectives, chacun associé à une petite communauté villageoise. A l’instar des aménagements funéraires connus dans les grands Causse du Gévaudan proches, ils sont généralement datés de la fin du Néolithique soit du IIIème millénaire avant notre ère. Certains d’entre eux ont pu être ponctuellement réutilisés ultérieurement à des fins sépulcrales et notamment au début de la période gauloise (950-450 avant notre ère). Ces dolmens se répartissent principalement sur la bordure orientale de la Planèze, notamment dans les secteurs des Ternes, d’Alleuzet, de Coltines ou encore d’Andelat. Ils sont nettement moins nombreux dans la partie la plus occidentale du plateau.

Le dolmen de La Pierre du Loup se localise sur la commune de Valuéjols, en limite de celle d’Ussel. Il est implanté au sommet d’une petite éminence qui domine au nord la Narse de Nouvialle. Ce point haut est visible d’une bonne partie du nord de la Planèze. Ce dolmen ne ressemble pas aux autres exemples plus connus comme celui de la Table du Loup à Seriers, de Touls à Coltines ou encore de Vedernat. En effet, il n’a pas été reconstruit récemment et la masse de terre et de pierre qui protégeait la chambre centrale est encore bien conservée. Ce tertre protecteur de 10 mètres de long sur 6 de large a souvent disparu autour des autres dolmens de la Planèze (à l’exception notable de celui de Mons de Saint-Georges). Sa fonction était d’une part de protéger le coffre central du dolmen où étaient déposée les sépultures mais également de signaler la présence du dolmen à la vue du plus grand nombre. Le coffre en lui-même est localisé au centre de ce tertre, il est rectangulaire avec une longueur de 4 mètres environ et une largeur de 2 mètres. Il est délimité par de grandes dalles de basalte, que l’on appelle également des orthostates. Ces derniers ont été extraits il y a plus de 5000 ans dans le secteur voisin de Latga à environ 2,5 kilomètres au sud. La table de couverture permettant de sceller ce coffre a été ôtée à une époque indéterminée et déposée à quelques mètres de là. Le dolmen a été fouillé en 1971 par Laurent Barbier. Lui et son équipe se sont principalement focalisé sur le coffre central et ses abord immédiats. Plusieurs tessons de céramique attribuables au Néolithique et des outils en silex dont au moins 4 lames ont alors été mis au jour. Ces éléments permettent de confirmer l’aménagement du dolmen à la fin du Néolithique. Des tessons de céramique gallo-romaine ont également été découverts à l’intérieur du coffre attestant une fréquentation de ce dernier au début de notre ère et confirmant le fait que la table le protégeant avait alors déjà été déplacée. Aucun ossement n’a pu être identifié lors de cette fouille ce qui est tout à fait logique eu égard à la grande acidité du sol basaltique qui les consume naturellement en quelques siècles.

Ce dolmen présente donc un très bon état de conservation, bien supérieur à de nombreux autres exemples en Planèze. La préservation de son tumulus protecteur et la présence d’éléments de datation dans le coffre (céramique et silex) permettant de confirmer son aménagement à la fin du Néolithique sont autant d’éléments qui en font un cas remarquable dans l’est du Cantal. Il faut également noter qu’il est localisé à proximité immédiate de deux tumulus, plus récents qui ont été aménagés au début de la période gauloise (2000-450 av J.-C.). Ces tertres funéraires de 15 mètres de diamètres pour 1,5 mètre de hauteur environ, non encore fouillés, recouvrent des sépultures aristocratiques. Elles ont été déposées de manière volontaire à côté du dolmen. C’est une façon à s’inscrire probablement dans un lignage héroïque ou supposé tel comme cela se pratiquait souvent à l’époque. On retrouve régionalement ce cas de figure avec la nécropole tumulaire de Mons à Saint-Georges. Sur cette éminence planézarde dominant la Narse de Nouvialle recèle donc un exceptionnel ensemble funéraire, fondé avec l’aménagement du dolmen vers 3000 avant notre ère et qui a fonctionné pendant au moins 2500 ans. Cette remarquable continuité démontre que les riches terres de la Planèze avaient attiré une population probablement importante dès la fin de la Préhistoire.

Un des deux tumulus du début de la période gauloise localisé à côté du dolmen

Vue du dolmen, de son tertre protecteur et de son coffre dominant la Narse de Nouvialle

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